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Points de vue, échanges
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Les bases de données pédagogiques sur Internet : le cas du programme Éducasup

Christine Develotte et Anthippi Potolia
p. 263-280

Résumé

Ces dix dernières années, l'émergence de l'information en ligne a suscité des appels d'offres nationaux visant à la mise en place de bases de données. Nous revenons ici sur l'histoire du programme Éducasup, de sa conception en 1997 à son abandon, fin 2003. À travers une analyse sémio-linguistique des écrans d'accueil de ses différentes chartes graphiques, nous cherchons à montrer les choix politiques et techniques qui ont présidé à l'évolution de ce programme.

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Texte intégral

1. Introduction

1Dans les écrits concernant l'histoire récente de l'introduction des TIC dans l'enseignement supérieur, par exemple [Perriault02], la période citée comme étant celle de la promotion médiatique et politique de ces nouveaux supports est 1997. C'est en 1997 que "l'intégration des TIC est devenue une des priorités politiques du MENRT (Ministère de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie), dans le champ de l'enseignement supérieur français" ([BaratsEtAl02] : 25) faisant suite au "coup d'envoi" en la matière que constitue le rapport établi par M. Quéré [Quéré94] sur l'enseignement sur mesure. Et c'est dans ce contexte qu'en 1997 le projet Éducasup débute officiellement, soutenu et financé par le MENRT. Cet article se donne pour objectif de revisiter le parcours méthodologique et politique qui a jalonné la mise en place, puis le "plantage" de ce projet auquel nous avons pris activement part au cours des années 1999 et 2000. Car il s'agit bien d'un "plantage", le dispositif d'information consultable à l'heure actuelle [Educasup] étant figé et détérioré par rapport à ce qu'il était trois ans auparavant [EducasupFle].

2. De 1997 à 2000 : mise en place d'Éducasup 1

2.1. Le contexte de création du programme

2En novembre 1995, un rapport d'enquête de l'ORAVEP (Observatoire des Ressources AudioVisuelles pour l'Éducation permanente) identifie un "besoin d'information sur les ressources et dispositifs utilisables dans l'enseignement supérieur". Peu après, en 1996, le Groupement d'intérêt scientifique pour l'enseignement supérieur sur mesure médiatisé (GEMME) propose la création d'un système national d'information ayant une grande visibilité grâce à sa présence sur le réseau Internet et s'appuyant sur des groupes de coordination disciplinaires. Ce projet se v complémentaire d'un projet mené en parallèle, Éducasource.

  • 1 Base de données sur les sources brutes d'information pour les enseignants de la maternelle au supér (...)

3En janvier 1997, GEMME est chargé de la mise en place d'un prototype du système national d'information sur les données pédagogiques. Un financement de 250 KF est dégagé par le MENRT pour ce projet. Lors de son comité de pilotage, le 9 janvier 1997, GEMME nomme u responsable au CNAM (Conservatoire National des Arts et des Métiers) pour le projet Éducasup [1].

2.2. Les caractéristiques du programme

4Lors de la première réunion du comité de pilotage d'Éducasup, en mars 1997, il est décidé de partir du fonctionnement d'un centre précurseur dans la mise en place d'une base de données disciplinaire en chimie, le Centre documentaire informatique enseignement chimie (CDIEC : université de Sophia Antipolis) pour développer la base de données qui servirait aux autres disciplines afin de s'appuyer sur une expérience et des savoir-faire reconnus. Deux bases de données sont alors développées : l'une en chimie, l'autre en langues (université de Bordeaux II).

5À la suite de cette première phase, en juin 1998, le MENRT lance un appel à propositions relatif à un "système national d'information sur les outils pédagogiques multimédias pour l'enseignement supérieur" et destiné à ouvrir six nouveaux centres disciplinaires. La présentation qui est faite du système d'information auquel nous sommes conviés à participer est claire. Éducasup est décrit en quatre points dont nous ne reprenons dans leur intégralité que les deux premiers (par souci de concision).

6Un recensement d'outils pédagogiques médiatisés par discipline
Éducasup est un système national d'information sur les outils pédagogiques numériques et audiovisuels réalisés pour l'enseignement supérieur. L'objectif est de recenser, discipline par discipline, les produits effectivement disponibles pour une diffusion dans l'enseignement supérieur. Ce recensement est destiné à alimenter des bases de données disciplinaires distinctes mais utilisant le même logiciel. Ces bases de données sont régulièrement tenues à jour.

7Un espace d'échanges sur les usages des outils recensés
Éducasup est également chargé d'animer la réflexion sur les usages des produits sous la forme d'un forum associé à chaque base de données disciplinaire. Ce forum ouvert est alimenté par les utilisateurs des produits recensés et constitue le complément indispensable de la base de données.

8Un espace actualisé d'informations sur l'utilisation des technologies d'information et de communication dans les disciplines
Un système ouvert à tous sur Internet
Recenser, partager, animer la réflexion sont donc les visées explicites du projet. Concernant la mise en place de l'opération, le ministère prévoit une "organisation décentralisée" et un comité d pilotage :

9– une organisation décentralisée : les centres disciplinaires
La création et la mise à jour des serveurs disciplinaires sont placées sous la responsabilité de centres disciplinaires prenant appui sur des structures de l'enseignement supérieur telles que laboratoires de recherche, UFR (unité de formation et de recherche), centres de ressources, centres d'autoformation, centre d'enseignement à distance, etc.

10Le responsable du centre disciplinaire est chargé d'animer un réseau de correspondants destinés à alimenter la base de données ; de créer et de faire vivre le serveur Éducasup de la discipline.

11– le pilotage du projet
Un comité de pilotage, présidé par la direction de la technologie du Ministère de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie, se réunit environ deux fois par an et définit les orientations stratégiques du projet.

12La maîtrise d'œuvre est confiée à un chef de projet basé au CNAM (Marie Farge du service Enseignement à distance). Celui-ci est aidé d'un comité technique qui se réunit à son initiative.

  • 2 L'actuelle École Normale Supérieure / Lettres et Sciences Humaines (ÉNS / LSH) de Lyon.

13En tant que chercheurs travaillant sur l'analyse et les usages des supports multimédias dans l'enseignement et l'apprentissage des langues et membres de l'équipe "Plurilinguisme et apprentissages" (ÉNS de Fontenay / St-Cloud) [2], nous décidons de répondre à cet appel pour le français langue étrangère (FLE par la suite). C'est en tant qu'équipe spécialiste du domaine, consciente des enjeux des TIC pour l'enseignement / apprentissage et désireuse de former une communauté d'échanges de points de vue et de pratiques que ce projet nous intéresse.

14Onze centres disciplinaires sont finalement choisis dans les disciplines suivantes : anglais, automatique, biologie, chimie, économie-gestion, français langue étrangère (FLE), italien, mécanique, mathématiques, philosophie, physique. Chacun d'entre eux a pour mission de réaliser et animer son serveur Internet, de créer et animer un réseau de correspondants, de collecter de informations pour la base de données sur les ressources, de nouer des liens avec des services équivalents à l'étranger. Le circuit de réalisation et de circulation de l'information s'établit donc comme suit (Figure 1).

Figure 1 - Circuit de réalisation et de circulation de l'information.

Figure 1 - Circuit de réalisation et de circulation de l'information.

15Si le pilotage global de l'opération est assuré par le CNAM, chaque centre disciplinaire établit comme bon lui semble le circuit de réalisation du travail à effectuer.

2.3. L'articulation des bases entre elles

  • 3 En anglais et en italien principalement, le centre retenu pour l'arabe ayant démissionné rapidement
  • 4 Nous avions évalué que le temps de travail représentait 4 à 5 heures par produit à décrire. Si nous (...)
  • 5 Pour Grenoble et Boulogne-sur-Mer le travail n'était pas rémunéré mais entrait dans le cadre de l'é (...)

16L'objectif de réalisation d'une base de données implique que les rubriques soient les mêmes de façon à homogénéiser la présentation des différentes disciplines pour l'ensemble du site. Nous ressentons les limites d'une telle normalisation pour une discipline comme le FLE, plutôt destinée à un public à l'étranger qu'à un public uniquement identifié par son appartenance à l'enseignement supérieur. En ce qui nous concerne, pour le FLE, nous mettons d'abord au point, lors des séminaires de l'équipe de recherche, les listes de critères à adopter pour la description des produits. Dans un deuxième temps nous rencontrons les collègues des autres centres de langues [3] pour harmoniser la structure des fiches et autant que faire se peut les critères descriptifs à adopter. Puis nous formons des étudiants de maîtrise FLE [4], futurs auteurs des fiches en ligne à l'utilisation de cette grille de description. Outre les étudiants de maîtrise FLE de Paris V, des étudiants de même niveau de Boulogne-sur-Mer et Grenoble III [5] ont été directement impliqués par cette mise en place. Enfin, une fois les descriptions effectuées par les étudiants nous revoyons chaque fiche de façon à contrôler la cohérence des différentes descriptions entre elles.

2.4. Le centre disciplinaire FLE : objectifs visés et démarches déployées

17L'objectif fixé au centre disciplinaire Éducasup FLE pour l'année 1999-2000, est de mettre en ligne la description de 200 produits pédagogiques. Parallèlement aux différentes tâches impliquées par la réalisation de ces fiches, l'actualisation fréquente des rubriques Actualités, Liens, Logiciels et documentations, la présentation du projet Éducasup lors de colloques, les contacts pris avec des acteurs du domaine du FLE susceptibles de tirer profit des aspects pédagogiques d'Éducasup, sont autant de nouvelles activités venues se greffer sur l'alimentation de la base de données comme autant d'objectifs, secondaires, certes, mais indispensables à la visibilité et à la réussite du programme.

18Notre ambition était de concilier à la fois les besoins des enseignants de FLE et de jouer un rôle politique dans la transmission de savoirs spécifiques conçus pour être diffusés internationalement. Notre parti pris fut, en effet, de s'appuyer dès le début du projet sur les travaux de l'équipe de recherche pour commenter les ressources numérisées à partir des descripteurs les plus aptes à être reconnus à l'étranger et les mieux adaptés aux spécificités du support et aux nouvelles tendances pédagogiques qu'elles engendraient en didactique des langues. Ainsi pour la définition des niveaux, nécessaire à l'évaluation des ressources, c'est l'échelle de niveaux mise en place par les travaux du Conseil de l'Europe qui est adoptée de façon à promouvoir des références européennes. De même, dans la catégorie des descripteurs concernant la "fonction pédagogique principale" d ressources, ont été intégrées des variables telles que "auto-évaluation", "aide à l'exploitation pédagogique", "aide méthodologique à l'apprentissage", variables susceptibles de mettre en évidence les potentialités d'utilisation de la ressource de façon autonome. C'est aussi à partir des besoins des enseignants de FLE tels qu'ils nous étaient connus par expérience personnelle ou par le biais des contacts avec les enseignants de FLE à l'étranger que ces entrées ont été déterminées. Des concertations avec les autres centres de langues ont d'ailleurs permis que s'élaborent des grilles descriptives qui soient en cohérence les unes avec les autres.

19En ce qui concerne la description des produits dans la base de données, nous nous sommes efforcés d'expliciter, pour chaque titre, ses contenus pédagogiques de la manière la plus détaillée possible. Le programme Éducasup étant conçu, dans son ensemble, comme un programme de recensement et de description plutôt que d'évaluation, c'est à travers la présentation des points les

  • 6 Voir à titre indicatif la base de ressources multimédias disponible sur le site d'Algora (ex ORAVEP (...)

20plus caractéristiques de chaque ressource que nous avons souhaité orienter les conclusions de son lectorat ; et ce, afin de nous distinguer d'autres bases de données disponibles sur l'Internet, celles-ci abordant, le plus souvent, les titres recensés de façon purement documentaire, sans mettre réellement en avant leurs spécificités.[6]

3. De 2000 à 2002 : vers un Éducasup 2 pour le meilleur et pour le pire

3.1. Premières évaluations, premiers changements

  • 7 Précisons que le centre Éducasup-FLE n'a pas été sollicité pour un tel entretien. Renseignements pr (...)

21Dès le mois de mars 2000, les différents centres disciplinaires ont été informés d'un audit sur l'ensemble du programme Éducasup. Cet audit devait se dérouler sous forme d'entretiens avec le(s) responsable(s) de quelques centres disciplinaires [7]. Dans cette même optique, chaque centre a été invité : a) à mettre en place un système de statistiques lui permettant de comptabiliser le nombre de connexions sur son site ; b) à remplir, à la fin de chaque mois, une fiche d'informations faisant état des opérations effectuées sur son site (nombre d'annonces dans la rubrique Actualités, nombre de sites référencés dans l'entrée Liens, nombre de fiches-produits dans la Base de données, etc.). C'est alors que la dimension quantitative du programme a commencé à poindre. Si cette démarche nous a semblé relever, encore à ce stade, d'une volonté d'harmoniser le travail entre les centres disciplinaires et d'évaluer leur visibilité, dans la suite des opérations, telles qu'elles ont été dictées et mises en place par le MENRT, c'est le "souci des chiffres" qui a primé sur la qualité de l'information et la veille technologique.

  • 8 Rappelons qu'Éducasup a été conçu comme un programme / système national d'information sur les outil (...)

22En mai 2000, une réunion est organisée entre les responsables des centres disciplinaires, le chargé du programme Éducasup au MENRT et son maître d'œuvre au CNAM. Au cours de cette rencontre la société chargée de l'audit présente ses résultats concernant l'évaluation d'un programme dit pédagogique : des statistiques de fréquentation, des informations techniques présentées sous forme de tableaux, camemberts.... Aucun regard n'a été porté sur la qualité de la description des ressources de chaque base, aucune recherche n'a été entreprise, à partir des moteurs de recherche sur l'Internet, pour avoir un aperçu sur le type de sites référençant les différents centres, aucun commentaire n'a été fait sur le rôle de référence en la matière que chaque centre commence à remplir (au vu des échos qui lui viennent de l'extérieur, des acteurs qui le contactent et qu'il contacte, des manifestations où il est présent). Nous pensions, pourtant, que si nous souhaitions rendre crédibles des dénominations telles que "village planétaire", "intelligence collective" ou "système national d'information"[8], il convenait de s'interroger, non seulement sur l'aspect sommatif mais aussi sur la qualité de la médiation proposée. Si l'on vise un objectif "planétaire", "collectif", "national", n'adopter qu'une logique quantitative, risque de mener à ce que le "village" soit fondé sur une absence d'esprit critique, que "l'intelligence" soit bridée, "l'information" ne puisse se transformer en connaissance.

  • 9 SFRS : Service du Film de Recherche Scientifique, CERIMES : Centre de Ressources et d'Information s (...)

23Pour revenir à cette même réunion, il nous est annoncé "tout de go" que la gestion du programme serait dorénavant assurée par le SFRS / CERIMES[9] (organisme dépendant du MENRT), qu'un nouveau maître d'œuvre serait alors nommé, qu'un nouvel interlocuteur assurerait le suivi du programme au ministère et qu'enfin, un nouveau programme, nommé quant à lui Éducasup 2, succéderait à Éducasup 1 à partir de septembre 2000....

24À ce point de l'histoire il est intéressant de noter que lors des entretiens avec les membres de l'audit, le responsable pour l'italien avait abordé les imperfections techniques du moteur de recherche développé pour la base Éducasup 1. Il est symptomatique que les experts chargés de l'audit et les représentants du ministère qui se sont appuyés sur leur expertise, se soient emparés de ces faiblesses mineures pour justifier la destruction du site et son re-développement sur des bases techniques supérieures, au détriment des fonctions de recherches pédagogiques pour lesquelles il était conçu. C'est en fait le déplacement de légitimation de l'expertise qui est en cause : en faisant passer l'expertise technique devant l'expertise disciplinaire, les conclusions se centrent logiquement sur la dimension technique.

3.2. Éducasup 2 : avatar technologique ou planche de salut ?

  • 10 Avec une proposition particulièrement intéressante, émanant de TV5, pour l'évaluation, tous les tro (...)

25En attendant d'être informées sur la nouvelle ligne de conduite à suivre en relation avec la mise en place d'Éducasup 2, notre activité de centre disciplinaire s'est poursuivie comme prévu ; fin juillet 2000 nous avions rempli notre objectif d'alimentation de la base de données avec 200 fiches, informations dans le domaine des TIC et du FLE figuraient sur les différentes rubriques du site, une série de présentations du programme à des colloques avait été également mise en place, des contacts avec les acteurs du champ du FLE avaient été établis[10], etc.

26De septembre 2000 à février 2001, les différents centres disciplinaires ont été sollicités à deux reprises, afin de répondre à deux questionnaires différents permettant la mise en place du nouveau programme / site. On était donc, à ce moment là, fondés à penser qu'il serait tenu compte de l'avis des créateurs de la première base, dans la mesure où chacun de ces questionnaires était suivi par une réunion, afin de tenir les responsables disciplinaires au courant de la suite des opérations.

27Ces réunions n'ont fait que confirmer les nouvelles résolutions prises par le MENRT en concertation avec le SFRS / CERIMES. Elles ont démontré que le fait que les responsables des centres soient massivement en désaccord avec les propositions qui étaient faites par le MENRT n'était pas entendu et que leur consultation n'avait été organisée que dans un cadre purement formel. Un nouveau site allait être mis en place, regroupant toutes les ressources et toutes les disciplines à partir d'une interface commune.

28À partir de là, les centres disciplinaires se sont alors vus privés de toute initiative, de toute gestion personnalisée, de toute la dimension de valorisation de leurs recherches. Dans cette nouvelle configuration, toutes les rubriques du site seraient dorénavant gérées par le SFRS / CERIMES, ressources seraient recherchées par des documentalistes, qui rempliraient ensuite une partie d fiche-produit, avant de la transmettre aux centres disciplinaires, chargés quant à eux d'informer la fiche sur le plan dit pédagogique. Au cours de ces réunions, nous ont été présentés dans la foulée, la nouvelle interface d'Éducasup, style Kandinsky, des exemples de fiches et des parcours de requête pour l'accès aux différentes ressources. En point d'orgue, les représentants du ministère demandaient aux responsables des centres disciplinaires de retirer leurs sites des serveurs des universités, où ils avaient été, jusqu'alors, hébergés.

29Dépossession complète, frustration totale, dévalorisation personnelle... Les acteurs de ce projet, sur le terrain, ont eu le sentiment que le système avait été évalué avant qu'il n'ait eu le temps de porter ses fruits, alors que l'essentiel du travail était lancé. À ce point là de l'aventure, la plupart des centres ont cessé de se manifester...

3.3. Comparaison entre Éducasup 1 et 2 au niveau sémio-linguistique

30À partir de la mi-février 2001, date de la deuxième réunion mentionnée supra, plus aucune sollicitation ne nous a été adressée concernant notre implication dans le nouveau programme. Nous avions mentionné au cours de cette dernière réunion l'éventualité de mettre en place un système de financement du travail de chaque centre, par produit décrit ou par information signalée, éventualité qui n'a cependant jamais abouti à un contrat de collaboration plus concret. Après cette date, les quelques messages qui nous ont été adressés par le responsable du programme au SFRS / CERIMES, nous ont informés dans un premier temps de la mise en ligne d'Éducasup 2 sur l'Internet, puis, ils ont sollicité, dans un deuxième temps, notre participation au forum du site. Éducasup 2 a été donc mis en ligne en mai 2001.

31Plusieurs types de remarques concernant cette forme du programme :

32La première est d'ordre sémiotique. Lorsque l'on compare la version 1 et la version 2 du programme à partir de leurs seules pages d'accueil, nous remarquons un changement d'esprit radical :

Figure 2 - Éducasup 1.

Figure 2 - Éducasup 1.

Figure 3 - Éducasup 2.

Figure 3 - Éducasup 2.

33Dans le premier cas, la métaphore florale, les formes rondes, les couleurs pastels, la police de caractères adoptée, créent un effet "bon enfant", confiant en l'avenir de l'Internet. Cet effet est souligné par le pictogramme qui symbolise la médiation humaine ; médiation qui, revenant comme un leitmotiv, semble se poser comme une condition sine qua non au bon fonctionnement de la médiatisation technologique. Dans le deuxième cas, en revanche, c'est l'image moderne (accentuée par le recours à la technique de Flash) d'un esprit carré, sans failles qui est donnée à voir. Cette mise en scène correspond-elle à la représentation d'un programme de recensement d'outils pédagogiques que peut se faire un enseignant ? Tout le travail en didactique autour de la centration sur l'apprenant et du transfert de connaissances vole ici en éclats devant une présentation où les savoirs se transforment en briques d'information, qui, se côtoyant les unes les autres, restent néanmoins étanches, fermées à tout échange possible.

34Par ailleurs, l'accès au site d'Éducasup 1 via le site du CNAM renvoyait dès l'écran d'accueil aux différents centres disciplinaires (auxquels l'accès direct était en outre possible), et n'avait pas été créé pour être en cohérence spécifique avec les sites du CNAM, la seule cohérence explicite étant entre les centres disciplinaires. Dans la formule Éducasup 2, c'est une conformité globale avec l'intégralité du site du SFRS / CERIMES qui a été visée ; la réfection du site Éducasup s'est inscrite dans celle du SFRS / CERIMES de façon à ce que les différents programmes hébergés soient en harmonie esthétique avec le site qui les hébergeait. On est ainsi passé d'une logique de centres, "décentralisée" comme le voulait l'appel à proposition initial, à une logique "d'appareil" dans laquelle seul prévaut l'affichage centralisateur, unifiant.

35La logique quantitative qui, comme nous l'avons évoqué plus haut, a prévalu dans l'évaluation d'Éducasup 1, se retrouve explicitement sur le plan linguistique. Elle est exhibée dans la mise en texte de la rubrique Présentation, du site Éducasup 2 dans une visée promotionnelle :

36Educasup aujourd'hui, c'est principalement une base de données de ressources d'environ 2360 fiches, dont environ 1300 vidéos, 460 cédéroms et 520 sites Internet. 1170 fiches commentées par des enseignants sont proposées :
Toutes les disciplines universitaires sont représentées :

  • droit, sciences économiques et politiques : 150

  • langue et littérature : 510

  • sciences humaines et sociales : 370

  • sciences : 1100

  • sciences appliquées et technologie : 380

  • sciences de l'information et de la communication : 50

  • sciences de l'éducation : 50

  • sciences et techniques des activités physiques et sportives : 2

  • autres : 17

37[...] Tous les acteurs de l'enseignement supérieur [...] peuvent participer [...].

38L'accumulation des chiffres dont les plus importants sont mis en gras, la répétition d'un quantificateur à valeur totalisante (toutes les disciplines...tous les acteurs...) et le recours à la fonction cataphorique ("toutes les disciplines" permettant qu'elles soient ensuite déclinées dans le détail) créent ici un effet d'abondance et de richesse voire de profusion documentaire.

39Par ailleurs, sur la scène graphique, les paradigmes désignationnels qui nomment le programme Éducasup le caractérisent comme "un site d'informations", "une base de données", "un dispositif". La notion de "centre" (cf. les centres disciplinaires de la version 1 du programme) est ici complètement écartée. Si l'on compare les termes "dispositif" et "centre", on note qu'ils ont en commun, sur le plan sémantique, le fait de donner à voir / à lire / à entendre, des résultats de travail composés à partir de différents types et genres de "matières devenant signes" [Latour96] : négociations, descriptions, "rencontres imprévues, dialogues débridés" [Guichard02], etc. Cette même épaisseur, due au travail de "pétrissage" de ces différents discours, se retrouve dans les bibliothèques et les laboratoires analysés par B. Latour (op. cit.). Cependant ce qui caractérise le "dispositif", tout comme le "site" et la "base de données", c'est qu'il s'agit là de notions qui, contrairement au "centre", proviennent "principalement de champs à vocation technique" ([PeetersCharlier99] : 16).

  • 11 On parle le plus souvent d'une médiation humaine, alors que la médiatisation est de nature plutôt t (...)

40Nous remarquons ainsi que les observations effectuées ici, à la fois sur les plans sémiotique et linguistique, induisent, d'Éducasup 1 à Éducasup 2, le passage d'une logique de médiation à une logique de médiatisation [11].

3.4. Incidences des remaniements sur le plan pédagogique

41C'est en effet sur le plan plus strictement pédagogique, que nous avons repéré les incohérences les plus importantes. La base de données Éducasup 2, en cherchant à fusionner, au sein d'une seule base de données, des ressources provenant de disciplines différentes a entraîné un certain nombre de non-sens au niveau de chaque fiche descriptive. Ainsi, des entrées telles que Liens ou Actualités, qui dans l'ancienne version du programme relevaient des domaines disciplinaires proprement dits, portent actuellement sur des événements et une sélection de sites Internet ayant trait de manière globale aux Sciences de l'information et de la communication ou aux Sciences l'éducation. De même, de nouveaux champs sont apparus, dont la validité pour notre discipline est plus que contestable, ajoutés et remplis par les documentalistes du SFRS / CERIMES. Pour ne prendre qu'un exemple, la qualification, dans le cas d'un didacticiel d'apprentissage de FLE, comme relevant de la "documentation générale", n'est pas seulement vide de toute signification, mais vient aussi en contradiction avec les critères descriptifs précédemment choisis et porte préjudice à la qualité des autres remarques et descripteurs retenus pour cette ressource. Chaque discipline a une logique, un fonctionnement des catégories de référenciation de son objet d'étude, qui lui sont propres et vouloir normaliser à l'extrême ne mène qu'à la perte du sens. Le problème est donc double : non seulement les différentes disciplines sont uniformisées au nom d'u transdisciplinarité mal étudiée, mais en outre deux voix différentes se superposent au sein de chaque fiche descriptive ; d'une part celle du centre disciplinaire, concepteur de la première version de la fiche et de l'autre, celle du milieu documentaire venant se greffer sur cette première voix (en ajoutant des informations ou en en supprimant d'autres), sans réellement avoir les compétences nécessaires dans le domaine pour que la greffe "prenne".

42D'autres dysfonctionnements viennent s'ajouter ci et là, tantôt liés à la base de données proprement dite et tantôt aux autres rubriques du site.

  • Tout d'abord, en terme d'accessibilité des données, l'usager a beaucoup plus de mal à s'y retrouver : la recherche des informations est beaucoup plus complexe dans la nouvelle version que dans la première puisque toutes les bases sont fondues ensemble et que donc le nombre d'opérations à effectuer pour parvenir à trouver les ressources que l'on cherche est beaucoup plus grand. Tout comme on s'habitue à lire un journal en ligne, à partir de routines de lecture mises en place progressivement et en relation directe avec nos centres d'intérêt, un site comme Éducasup demande un travail d'appropriation : des parcours sont à mettre en place, des chemins à banaliser. Changer brutalement les voies d'accès à l'information équivaut à installer des sens interdits sans ouvrir de nouvelles voies : toute la géographie d'usage du site est à recréer.

  • La notion de centre disciplinaire est dorénavant complètement écartée. Les centres disciplinaires (leur parcours, leurs recherches, leurs intérêts) qui avaient coordonné, dans le cas d'Éducasup 1, les travaux autour de la constitution de la base de données ne figurent nulle part dans la nouvelle version du programme. Le seul nom d'auteur qui figure sur chaque fiche est celui de la personne qui avait assuré dans un premier temps sa rédaction. Ces "auteurs" étant le plus souvent, pour ce qui relève en tout cas du FLE, des étudiants, c'est donc l'ensemble du travail qui est dévalorisé avec l'occultation de l'équipe de recherche à l'origine de leur travail. On retrouve, bien évidemment, l'autorité institutionnelle plus large, celle du MENRT, mais est-elle suffisante ? Cet écart entre la première et la deuxième version du programme Éducasup ponctue à nouveau l'effet de "médiatisation" ou d'"industrialisation" [Mœglin98] de l'information, auquel nous nous sommes référées supra ; et ceci est dû – selon nous – à l'absence d'une autorité à la fois institutionnelle e intellectuelle (telle une équipe de recherche) de type "conseil scientifique" cautionnant le bien fondé des informations publiées.

    • 12 Il est intéressant de remarquer ici que l'évolution d'Éducasup a procédé à l'inverse des tendances (...)

    Par ailleurs, si le souci quantitatif est venu, petit à petit supplanter la dimension qualitative du programme et fut la principale raison invoquée pour la mise à l'écart des centres disciplinaires, on peut être surpris de constater que de[12] mai 2001 (date de mise en ligne d'Éducasup 2) à aujourd'hui (novembre 2004) seules six nouvelles fiches descriptives sont venues compléter le fonds précédemment répertorié en FLE (et aucune en italien).

4. Fin 2003, un Éducasup 3 ?...

4.1. La traversée du désert

43Depuis 2001, les bases de données stagnent. Loin des stratégies institutionnelles, nos collègues nous-mêmes adoptons les tactiques chères à M. de Certeau [deCerteau90] pour utiliser dans nos cours en ligne, à distance ou en présentiel la base de données d'Éducasup 1 (en ligne à partir du site de notre équipe de recherche http://www.ens-lsh.fr/​labo/​plurapp/​educasup/​sitefle/​) qui nous permet de donner des exemples de descriptions de produits pédagogiques propres à en inspirer d nouvelles.

44À différents moments courant 2002, nous avons pris contact avec le SFRS / CERIMES afin de chercher à obtenir des informations concernant l'état de jachère dans lequel la base de données était laissée et d'étudier les possibilités de récupérer une partie du travail précédemment effectué. C'est à la suite de ces interventions que les responsables des centres Éducasup 1 ont été invités à participer à une réunion en novembre 2002 à Paris sur le thème : "Quelles médiations entre les ressources numériques et les usagers dans le milieu de l'éducation et de la formation ?"

  • 13 "Quand on va droit dans le mur il faut savoir changer de direction" telles ont été les paroles du d (...)

45Au cours de cette réunion à laquelle n'ont participé que les responsables des centres des disciplines FLE et italien, l'échec patent de la version 2 d'Éducasup a été reconnu [13]. Une seconde réunion en décembre à laquelle ont été conviés, sans plus de succès, tous les responsables de centres, s'est conclue sur la décision de revenir à la base Éducasup 1, de redonner aux centres la responsabilité de leurs bases mais sans qu'aucun moyen puisse être assuré concernant la rémunération des rédacteurs de fiches.

  • 14 224 selon Google au 2/04/2003.
  • 15 Cf. par exemple l'évaluation proposée par M. Tomé (Universidad de León, Espagne) http://www3.unileo (...)

46Un rapide sondage effectué en juin 2003 à partir d'un moteur de recherche mettait en évidence la situation suivante (pour le FLE) : le premier cas de figure était celui où le site Éducasup 1 continuait à être référencé à son ancienne adresse (le serveur de l'ÉNS Fontenay / St-Cloud) par des sites institutionnels en particulier (ministère de la culture, ambassades à l'étranger) et donc à un lien aboutissant à un message d'erreur. D'autres, les plus nombreux [14], pointaient sur la version 2 d'Éducasup (disparue aujourd'hui) mais avec des adaptations (par exemple le site de l'Association américaine des professeurs de français (AATF) a choisi de pointer sur le catalogue des ressources en FLE de façon à éviter le portail unique pour toutes les disciplines et la recherche du FLE parmi elles. D'autres enfin, les mieux informés mais aussi les moins nombreux (universités françaises, SIHFLES, ALSIC) avaient repéré la nouvelle adresse (http://www.ens-lsh.fr/​labo/​plurapp/​educasup/​sitefle/​) alors qu'aucune publicité n'en a été faite jusqu'à présent. La situation était donc chaotique et même si Éducasup continue à être répertorié parmi les bases de données les plus pertinentes[15], sans actualisation depuis deux ans, l'intérêt risquait de rapidement tomber.

4.2. Un nouveau site SFRS / CERIMES

47Depuis septembre 2003, une nouvelle présentation du site SFRS / CERIMES est disponible en ligne, faisant disparaître du même coup l'ancien site du SFRS / CERIMES, son lien vers le site Éducasup 2 ainsi que le site Éducasup 2, lui-même. Voyons comment il se présente :

Figure 4 - Nouvelle présentation du site SFRS / CERIMES.

Figure 4 - Nouvelle présentation du site SFRS / CERIMES.

48C'est, comme le dit Jeanneret ([Jeanneret00] : 113) un "portail [organisé] en une série de cadres contenant des listes [et] renvoyant à la "mosaïque de la presse"". Des éléments tels que la coloration différente pour indiquer la succession des rubriques, les logos institutionnels qui figurent sur la partie haute de la page, les coordonnées du SFRS / CERIMES disponibles d'entrée dans le site créent dans un premier temps l'image d'une information facile à repérer, légitime et légitimée, et d'un organisme ouvert à tout contact. Les deux éléments saillants (en lettres capitales de gros caractères) de cette nouvelle page d'accueil sont d'une part, la mise en avant de l'institution "SFRS / CERIMES" (mentions répétées), et d'autre part, l'entrée « RESSOURCES », qui renvoie, comme on va le voir, à un formatage de l'information, Enfin, l'illustration impressionniste en bandeau nous fait pénétrer dans une salle infinie « habitée » par des personnes « happées » par l'idéal du savoir défilant sur leurs écrans et livrés tout entières au mode de communication généré par « des tuyaux". Le message idéologique est toujours sous-tendu par l'imaginaire de l'Internet [Flichy01]. Ce site propose un moteur de recherche unique, pour toutes les ressources, à partir d'entrées standardisées définies suivant des champs de requête documentaires (mots du titre, distributeur, année de production, support, type de document, etc.) et non pas pédagogiques.

4.3. Propositions d'intégration d'Éducasup dans le site SFRS / CERIMES

49En octobre 2003, la première proposition du CERIMES consistait à chercher à intégrer les bases de données Éducasup, ou plutôt ce qu'il en reste, dans le nouveau site (aux endroits indiqués par les flèches ci-dessus), par le filtrage de ce moteur de recherche n'intégrant aucun des champs pédagogiques pour lesquels nous avions opté dans la mise en place de la première base de données.

50Il va sans dire qu'une telle option conduit à une perte en quantité et en qualité d'information considérable : toute la spécificité des ressources pédagogiques en langues est évacuée avec la disparition d'entrées telles que "mots-clés" et "fonctions pédagogiques" (critères dont la pertinence s'avère indiscutable, dès lors que l'on aborde les titres recensés en tant qu'outils d'enseignement apprentissage et non pas en tant que produits industriels d'une éducation industrialisée).

51Dénaturées à ce point, les bases de données Éducasup perdent toute pertinence. Devant le refus des deux seuls représentants des centres Éducasup de coopérer à un tel sabotage, la deuxième proposition faite par le SFRS / CERIMES est de développer informatiquement, à partir du moteur de recherche existant sur le site, un système d'accès, spécial pour Éducasup, reprenant les principales entrées descriptives d'Éducasup1.

52Nous en sommes là. Alors que la base Éducasup 1 peut fonctionner en toute autonomie et ne demande qu'un soutien financier minimum pour rémunérer les étudiants spécialistes des disciplines concernées à rédiger de nouvelles fiches, aucune possibilité n'est offerte sur ce plan. En revanche, au niveau de l'investissement en programmation et en développement de nouveaux systèmes informatiques, tout est envisageable.

53Récemment, les responsables des centres disciplinaires d'italien et de FLE viennent de récupérer le logiciel leur permettant de recommencer à alimenter leur base de données Éducasup 1 de façon indépendante. Ils vont trouver les moyens de fonctionner de manière autonome, une seconde vie va pouvoir commencer...

5. Conclusion : éléments pour une analyse à venir

54Au terme de ce parcours marathonien, semé d'embûches du programme Éducasup, dressons un rapide état des lieux (en février 2005) :

    • 16 Extrait du compte-rendu de réunion envoyé par le SFRS / CERIMES le 13 / 10 / 03 aux représentants d (...)

    les sites Éducasup sont, dans les meilleurs des cas, à l'état de "mort clinique" depuis 2001, ni actualisés ni approvisionnés (5 sites) dans le pire, ils ont disparus (6 sites)[16] ;

    • 17 Actuellement une centaine de nouveaux produits FLE sont en cours de traitement grâce à l'appui de J (...)

    deux centres disciplinaires, dont un seul, celui d'italien est référencé sur le site du CERIMES, cherchent les moyens de remettre sur pied[17], en grande partie, seuls, le travail engagé ;

  • entre 1999 et 2003, trois sites support d'Éducasup ont été développés, de façon de plus en plus ambitieuse, monopolisant l'essentiel des moyens financiers investis dans ce projet.

  • 18 Pourtant ce type de projet détient une validité : à titre d'exemple on citera le site de la revue C (...)

55Ces trois changements d'adresse (en trois ans) ne s'inscrivent pas seulement en contradiction avec le principe de stabilité requis par le concept de base de données, ils discréditent la fiabilité du support et sa validité [18] à remplir les fonctions qu'on lui assigne.

56Les auteurs de cet article, spécialistes en sciences du langage, se reconnaissent un spectre scientifique trop étroit pour prétendre maîtriser les maints éléments qui ont pu influer sur dégénérescences successives que ce projet a subi. C'est pourquoi c'est plutôt sous forme de questions qu'elles préfèrent poser les bases d'une réflexion à venir sur ce type de situation, symptôme qui ne peut faire l'économie d'un élargissement au contexte qui l'a rendu possible.

  • Quelle incidence a pu avoir le fait que ce projet ait été confié au sein des différents organismes (MENRT, CNAM, SFRS / CERIMES) à des contractuels ou chargés de (courte) mission puisque les uns comme les autres ont été renouvelés plusieurs fois ?

  • Pourquoi accorder une plus grande importance à la médiatisation technologique (le renouvellement du / des site(s) Internet) plutôt qu'à la médiation humaine (l'expertise développement du contenu) ?

    • 19 Nous avons discuté ce point ailleurs ([PotoliaMochet02] : 26-36).

    Comment peut-on prétendre accéder à l'ère de l'information et de la communication si tous les projets et programmes inaugurés dans ce but ne privilégient pas un engagement institutionnel à long terme ? Sur ce point, il semble que le fait que ces programmes / projets sont menés dans le domaine des TIC, incite (en grande partie indûment, selon nous) à laisser croire que leur rapidité de pénétration dans la société et de leur appropriation par les acteurs coïncide avec celle du traitement de l'information par ces technologies [19]...

57Est-il possible d'imaginer un autre système alliant les deux aspects quantitatif et qualitatif de l'information et permettant de sauvegarder les particularités des bases et des disciplines ? Au niveau méthodologique, sur quelles bases mettre en œuvre des réseaux efficaces mais aussi durables et susceptibles d'évolution sans que l'ensemble du système soit mis en péril ?

58Il nous semble, en tout état de cause, que la base de données Éducasup, a été l'enjeu d’objectifs politico-socio-économiques contradictoires, preuve que l'intégration scientifique et sociale des TIC reste encore à venir…

Nous remercions M. Rocchetti, responsable du centre Éducasup-italien de sa relecture et de ses encouragements.

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Bibliographie

Les liens externes étaient valides à la date de publication.

Bibliographie

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Barbot M.-J., Lancien T., (dir.) (2003). "Médiation, médiatisation et apprentissages". Notions en questions, n° 7.

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Barats C., Cardy H. & Thibault F. (2002). "Le discours 'institutionnel' d'introduction des TIC dans l'enseignement supérieur français : écrire / s'inscrire dans l'innovation". Actes du XIIIe congrès national de la SFSIC, Marseille, pp. 125-131.

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Beguin A. (1998). "Nouveaux produits, nouvelles lectures : le cas des cédéroms". Médiations sociales, systèmes d'information et réseaux de communication, Actes du 11e congrès national des Sciences de l'Information et de la Communication, Metz, pp. 359-368.

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Guichard É. (2002). L'Internet : mesures des appropriations d'une technique intellectuelle. Thèse de doctorat, École des hautes études en sciences sociales, disponible à l'adresse http://barthes.ens.fr/atelier/theseEG/theseEG.html#QQ2-56-1

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Jeanneret Y. (2000). Y a-t-il (vraiment) des Technologies de l'Information ? Villeneuve d'Ascq : Presses Universitaires du Septentrion.

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Sites Internet

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Educasup, http://www.educasup.education.fr.

[EducasupFle]
Educasup FLE, http://www.ens-lsh.fr/labo/plurapp/educasup/sitefle/

[Algora]
Algora, http://ressources.algora.info/frontblocks/produits/

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Notes

1 Base de données sur les sources brutes d'information pour les enseignants de la maternelle au supérieur. Projet mené avec le CNDP.

2 L'actuelle École Normale Supérieure / Lettres et Sciences Humaines (ÉNS / LSH) de Lyon.

3 En anglais et en italien principalement, le centre retenu pour l'arabe ayant démissionné rapidement.

4 Nous avions évalué que le temps de travail représentait 4 à 5 heures par produit à décrire. Si nous ne recevions aucune rémunération pour la mise en place de ce projet, les étudiants eux, étaient rémunérés pour ce travail sur la base de 200 FF par fiche (environ 30 euros). Chaque étudiant a effectué sur une année entre 20 et 40 fiches.

5 Pour Grenoble et Boulogne-sur-Mer le travail n'était pas rémunéré mais entrait dans le cadre de l'évaluation de la formation.

6 Voir à titre indicatif la base de ressources multimédias disponible sur le site d'Algora (ex ORAVEP) [Algora].

7 Précisons que le centre Éducasup-FLE n'a pas été sollicité pour un tel entretien. Renseignements pris auprès des responsables des centres ayant été impliqués dans ce processus, l'entretien a essentiellement porté sur les éventuelles difficultés rencontrées tout au long de la mise en place et du fonctionnement de chaque centre, les efforts mobilisés pour la visibilité du projet, le type du réseau de correspondants mis en place, etc.

8 Rappelons qu'Éducasup a été conçu comme un programme / système national d'information sur les outils pédagogiques multimédias pour l'Enseignement supérieur.

9 SFRS : Service du Film de Recherche Scientifique, CERIMES : Centre de Ressources et d'Information sur les Multimédias pour l'Enseignement Supérieur.

10 Avec une proposition particulièrement intéressante, émanant de TV5, pour l'évaluation, tous les trois mois, sur la page d'accueil du site de cette chaîne, d'un titre multimédia ; évaluation effectuée et commentée par le centre disciplinaire Éducasup-FLE.

11 On parle le plus souvent d'une médiation humaine, alors que la médiatisation est de nature plutôt technologique ; cf. à ce sujet [BarbotLancien03].

12 Il est intéressant de remarquer ici que l'évolution d'Éducasup a procédé à l'inverse des tendances générales observées dans le domaine de l'édition multimédia hors ligne. Au cours d'une étude entreprise dans le cadre de la recherche doctorale de l'une d'entre nous, nous avons pu observer qu'Éducasup 2 correspondrait plutôt à la première génération de cédéroms grand public (jusque à 1995 environ) qui mettaient en avant leur éditeur ou une institution-détenteur des droits de reproduction d'images (p.ex. La Réunion des Musées Nationaux). Ceci ne fut pas le cas d'Éducasup 1, qui a quant a lui, privilégié, dès ses débuts la légitimité intellectuelle du savoir diffusé, se rapprochant ainsi davantage à la deuxième génération des supports multimédias hors ligne. Sur ce point, cf. aussi [Beguin98] : 362-363.

13 "Quand on va droit dans le mur il faut savoir changer de direction" telles ont été les paroles du directeur du SFRS aux conclusions de la journée.

14 224 selon Google au 2/04/2003.

15 Cf. par exemple l'évaluation proposée par M. Tomé (Universidad de León, Espagne) http://www3.unileon.es/dp/dfm/flenet/grilles.html

16 Extrait du compte-rendu de réunion envoyé par le SFRS / CERIMES le 13 / 10 / 03 aux représentants des sites italien et FLE y ayant participé la semaine auparavant : "Situation des Éducasup Éducasup 2 a été définitivement fermé en juin et redirigé sur le site du SFRS / CERIMES.Éducasup 1 Chimie : ferméÉducasup 1 Anglais : ferméÉducasup 1 Physique : ferméÉducasup 1 Maths : ouvert dernière mise à jour 12 / 01 (166 fiches)Éducasup 1 Biologie : ferméÉducasup 1 Économie - gestion : ferméÉducasup 1 Mécanique : ferméÉducasup 1 Automatique : ouvert dernière mise à jour 10 / 00 (77 fiches)Éducasup 1 Philosophie : ouvert dernière mise à jour 03 / 00 (41 fiches). A noter une reprise récente de ce site dans une perspective autre (notée en février 2005): abandon de la base de données et mise en ligne d'informations sur les TICEÉducasup 1 Italien : ouvert dernière mise à jour 11 / 04 (150 fiches)Éducasup 1 FLE : ouvert dernière mise à jour 11 / 04 (196 fiches)"

17 Actuellement une centaine de nouveaux produits FLE sont en cours de traitement grâce à l'appui de J.M. Ball (université du Littoral) et de M-J. Barbot (Université de Lille3) et de leurs étudiants de master FLE. Les étudiants du campus numérique Canufle participent également à cette opération dans le cadre de leur module sur les TICE. Nous remercions toutes ces personnes de leur précieux soutien.

18 Pourtant ce type de projet détient une validité : à titre d'exemple on citera le site de la revue Calico (http://www.calico.org) qui procédant d'un choix très différent d'Éducasup (au niveau de l'organisation, du contenu, du style) met à disposition une énorme base de critiques de produits multimédias de langue fort utile et utilisée.

19 Nous avons discuté ce point ailleurs ([PotoliaMochet02] : 26-36).

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Table des illustrations

Titre Figure 1 - Circuit de réalisation et de circulation de l'information.
URL http://journals.openedition.org/alsic/docannexe/image/370/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 8,0k
Titre Figure 2 - Éducasup 1.
URL http://journals.openedition.org/alsic/docannexe/image/370/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 28k
Titre Figure 3 - Éducasup 2.
URL http://journals.openedition.org/alsic/docannexe/image/370/img-3.jpg
Fichier image/jpeg, 16k
Titre Figure 4 - Nouvelle présentation du site SFRS / CERIMES.
URL http://journals.openedition.org/alsic/docannexe/image/370/img-4.jpg
Fichier image/jpeg, 44k
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Pour citer cet article

Référence papier

Christine Develotte et Anthippi Potolia, « Les bases de données pédagogiques sur Internet : le cas du programme Éducasup »Alsic, Vol. 8, n° 1 | -1, 263-280.

Référence électronique

Christine Develotte et Anthippi Potolia, « Les bases de données pédagogiques sur Internet : le cas du programme Éducasup »Alsic [En ligne], Vol. 8, n° 1 | 2005, document alsic_v08_10-poi3, mis en ligne le 15 novembre 2005, consulté le 28 mars 2024. URL : http://journals.openedition.org/alsic/370 ; DOI : https://doi.org/10.4000/alsic.370

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Auteurs

Christine Develotte

Christine Develotte est maître de conférences en sciences du langage à l'École Normale Supérieure Lettres et Sciences Humaines (ENS LSH), Lyon. Elle s'intéresse à l'analyse et aux usages des supports multimédias, en particulier, dans le domaine de la didactique des langues et des cultures. Elle est coresponsable du groupe de recherche "Apprentissages, Discours, Interactions, Savoirs" (ADIS) au sein de l'Unité Mixte de Recherche "Interactions, Corpus, Apprentissages, Représentations" (UMR ICAR), Lyon.
Courriel : christine.develotte@ens-lsh.fr
Adresse : ICAR UMR 5191, ENS LSH 15, parvis René Descartes, 69007 Lyon, France.

Articles du même auteur

Anthippi Potolia

Anthippi Potolia est chargée de cours à l'INALCO (filière FLE). Elle prépare une thèse à l'université de Paris (Didactologie des langues et des cultures) sur l'analyse du discours multimédia. Elle fait partie du groupe de recherche "Apprentissages, Discours, Interactions, Savoirs" (ADIS) au sein de l'Unité Mixte de Recherche "Interactions, Corpus, Apprentissages, Représentations" (UMR ICAR), Lyon.
Courriel : apotolia@hotmail.com
Adresse : ICAR UMR 5191, ENS LSH 15, parvis René Descartes, 69007 Lyon, France.

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